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Cinéma : le Ramadan anime le débat sur la qualité de la production marocaine 

Comme chaque Ramadan, un grand débat émerge au sein de la société marocaine concernant la qualité des productions cinématographiques marocaines? 

Le mois sacré du Ramadan occupe une place particulière chez les marocains ,de par son importance spirituelle et religieuse. Ce mois convivial est également un carrefour de la production cinématographique nationale, du fait que pendant le ftour (rupture du jeune) et même après, les yeux Marocains sont souvent rivés vers la télévision. Ce rendez-vous annuel nostalgique suscite des retours positifs pour certaines productions généralement dramatiques, mais aussi des critiques et une insatisfaction du public quant à d’autres programmes ramadanesques. Cette divergence d’opinions soulève la question de la nécessité d’une réforme du secteur cinématographique marocain. 

Le ministère de la culture avait déclaré le lancement d’une réforme de l’audiovisuel au Maroc. Dans ce sillage, Mohammed Mehdi Bensaid, ministre de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication, a annoncé en novembre dernier un nouveau cahier des charges pour les chaines nationales, préconisant le boost de la production marocaine au détriment des séries étrangères. Si le nombre de téléspectateurs pendant le mois de Ramadan dépasse les 17 millions de personnes, soit le chiffre le plus élevé de toute l’année, le ministre plaide pour une programmation plus instructive, mais qui répondrait surtout aux goûts de tout le public. 

Une décision amplement attendue par les professionnels du cinéma marocain, mais aussi de son public manifestant un certain mécontentement. Ces controverses renforcent le besoin de promouvoir des productions qualitatives répondant aux exigences artistiques et culturelles du public.“L’insatisfaction du public marocain à l’égard de certaines productions ramadanesques peut s’expliquer par plusieurs facteurs, notamment la qualité inégale des œuvres proposées, le manque d’authenticité dans la représentation des réalités sociales et culturelles, ou encore la répétition de schémas narratifs stéréotypés.” nous explique Mme Jihane Bougrine, membre du Conseil Cinématographique marocain (CCM). 

Donnant l’exemple de la série “Bent Cheikha” diffusée l’année dernière sur la chaîne 2M, Bougrine note que certaines productions peuvent être critiquées pour leur contenu controversé ou leur traitement irrespectueux de certaines valeurs ou traditions marocaines, ce qui peut entraîner des réactions négatives de la part du public. “Ce n’est pas toujours justifié et en même temps aucune œuvre ne fait l’unanimité. A partir du moment où plusieurs œuvres sont proposées, certaines plaisent, d’autres moins. C’est la règle du jeu. La critique n’est pas toujours néfaste. Elle est porteuse de changement”, ajoute notre experte. 

Révision des mécanismes incitatifs 

Toutefois le rebond qualitatif de la production ramadanesque repose sur le développement des mécanismes de soutien de la production cinématographique nationale de manière générale . De la gouvernance à l’accès au financement , en passant par les règles de la bonne concurrence , mille et une lacunes persistent malgré moult initiatives entreprises par le département de tutelle durant la dernière décennie . À ce titre, le ministère de la culture a présenté l’année dernière un projet de loi visant à instaurer plus de rigueur et commençant par la définition des métiers qui relèvent de l’industrie cinématographique. Ceci commence par l’imposition d’un statut juridique d’une société anonyme (SA) ou de Société à responsabilité limitée (SARL) a toutes les entreprises souhaitant opérer dans le secteur, de sorte à non seulement favoriser la transparence, mais également et surtout pour fluidifier les mécanismes de subventions et d’accompagnement. L’élargissement du champ d’action du CCM est également à l’ordre du jour, sachant que l’organisation interne de ce dernier peine à voir le bout du tunnel. 

3 questions à Jihane Bougrine, membre du CCM

“Il y a une réelle hystérie autour du Ramadan” 

Le mois du Ramadan symbolise la rencontre sacrée entre le public marocain et les productions nationales , quelle est votre évaluation de ces produits cinématographiques proposés au public en 2024 ?

Je trouve que ces dernières années, il y a réellement une volonté de créer du contenu de qualité et non seulement de miser sur la quantité. Il y a un réel effort dans les productions au niveau de la narration, du casting, de la qualité de la mise en scène. Le trio magique formé par Samia Akariou, Nora Skalli et Jawad Lahlou proposent des séries dramatiques qui laissent le public en haleine toujours, depuis quelques années. La série Dar Nsa a été un succès phénoménal comme d’autres à l’image de Bnat Lhdid. Les productions cinématographiques proposées pendant le Ramadan en 2024 ont été variées et diverses, reflétant la richesse culturelle et artistique du Maroc. 

Le Maroc met en œuvre une réforme du secteur de l’audiovisuel, pourquoi cette démarche est nécessaire d’après vous ?

Il y a une réelle volonté du Ministre, Mehdi Bensaid de travailler sur la « coordination avec la SNRT et SOREAD-2M, sur l’élaboration des cahiers de charge de ces deux sociétés selon une nouvelle approche basée sur la simplification et l’efficience, qui accorde une attention particulière aux chaînes sportives en préparation des compétitions continentales et internationales qui seront accueillies par le Royaume, aux talk-show, aux débats politiques et aux émissions culturelles et artistiques ainsi qu’aux productions nationales ». La réforme du secteur de l’audiovisuel au Maroc est nécessaire pour moderniser les infrastructures, améliorer la régulation et la gouvernance, et promouvoir la diversité des contenus médiatiques.Cette démarche permettra de renforcer l’industrie cinématographique marocaine en favorisant la création, la production et la diffusion de films de qualité, tout en garantissant une plus grande visibilité et accessibilité aux talents locaux. Il y a tout un chantier en effet, encore faut-il travailler sur les chantiers les plus importants. Dans le domaine du cinéma par exemple, se concentrer sur des films historiques , les comédies ou les films pour enfants est une bonne stratégie que s’il on continue les efforts fournis sur les films d’auteur. Tout le cinéma est important. 

 Quels sont les chantiers indispensables à développer dans le cadre de cette réforme?

Renforcer la régulation et la transparence dans le secteur de l’audiovisuel afin de garantir un environnement concurrentiel et équitable pour les acteurs du cinéma.

Investir dans la formation et le développement des compétences des professionnels de l’industrie cinématographique pour stimuler l’innovation et la créativité.

Encourager la coopération et les partenariats entre les différents acteurs du secteur, y compris les institutions publiques, les producteurs, les réalisateurs et les distributeurs, pour favoriser une plus grande synergie et une meilleure circulation des œuvres cinématographiques. Aujourd’hui le plus gros problème du Maroc c’est la non transparence . Le cinéma est le moyen de gagner de l’argent pour certains et ce n’est pas du tout une façon de s’exprimer ou de créer. Pareil pour l’audiovisuel.